Regards d'experts

ENGAGEMENT

La raison d’être : utile ou superficielle ?

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Bertrand Valiorgue, professeur de stratégie et gouvernance des entreprises au sein de l'IAE Clermont Auvergne.

Toutes les entreprises s’agitent autour du concept de leur raison d’être, d'autant plus à l'heure du Coronavirus qui pousse les organisations à prouver leurs engagements sociétaux. Entretien avec Bertrand Valiorgue, professeur de stratégie et gouvernance des entreprises au sein de l'IAE Clermont Auvergne.

Les entreprises se sont-elles emparées de la raison d’être pour de bonnes raisons ?

Bertrand Valiorgue : Oui et non. Certaines l’affichent et ne font rien de concret. D’autres, au contraire, repensent leurs projets stratégiques en redéfinissant leur contribution à la vie de la cité. Les premières raisons d’être sont sorties après le vote de la loi Pacte et avant la publication des décrets… De deux choses l’une : soit ces sociétés avaient déjà une maturité rare sur ces questions, soit cela témoigne d’une forme d’empressement à s’afficher. 

Comment peut-on faire la différence ?

C’est assez simple. Si derrière une raison d’être nous trouvons un chantier, alors nous sommes sûr que la démarche est sérieuse. Danone, par exemple, a annoncé une raison d’être à venir. Mais Emmanuel Faber a rapidement ajouté que cette raison d’être prendrait du temps pour se concrétiser. Il a compris et parfaitement assimilé que la raison d’être ne peut être que les prémices d’un chantier stratégique de grande envergure. 

Il n’y a donc aucun intérêt à aller vite sur cette question ?

Ce qui le font se mettent dans une impasse avec leurs salariés, leurs actionnaires, leurs clients et leurs fournisseurs. Le quick win d’affichage apparaitra rapidement comme une démarche opportuniste et contre-productive. Au contraire, je pense qu’il est urgent de prendre son temps. 

Les collaborateurs de l’entreprise sont donc les premiers à convaincre ?

Aujourd’hui, cela est largement commenté, les collaborateurs sont à la recherche de sens. Les salariés sont en demande de raison d’être. Une grande majorité d’entre eux souhaite contribuer à des projets économiques qui font progresser la société et ne dégradent pas l’environnement. La notion de raison d’être apparait à cet égard donc comme utile et bienvenue pour remobiliser le collectif autour d’un projet d’entreprise. C’est un puissant levier d’engagement, de motivation et de marque employeur. Faire adhérer les salariés n’est clairement pas la partie la plus compliquée. Ceci dit, c’est un outil à double tranchant… Les entreprises qui se lancent dans cette démarche ne peuvent pas se permettre de tricher. Les salariés se rendent comptent très vite quand il s’agit seulement d’affichage. Dans ce cas, le risque de décrochage et de contestation des salariés est élevé.

La raison d’être doit-elle forcément être co-construite ?

Ça ne peut évidemment pas être un projet top-down qui partirait des bureaux de la direction générale. Il est nécessaire de mettre en place un organe de consultation. C’est un projet qui doit redéfinir la place de l’entreprise dans la société. Par nature, il s’agit donc d’un projet participatif. Si elle n’est pas construite en mode collaboratif, la vision risque d’être biaisée voire caricaturale et l’entreprise s’expose à un décrochage des collaborateurs et une suspicion des parties-prenantes.

Qui doit incarner la raison d’être ?

La raison d’être est un projet d’entreprise. Cela doit donc être le sujet principal de la direction générale. La direction de la communication et la direction de la RSE ne doivent être que des soutiens. Ils sont là pour faire le lien, organiser les projets, alerter sur certains enjeux, bref, pour nourrir la direction générale. L’incarnation, c’est le dirigeant.

L'impact du Covid-19 sur les raisons d'être