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« Le podcast comble un besoin éditorial »

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En voiture, au bureau, le matin ou le soir, le format podcast se consomme à tout heure et en tout lieu. Simon Decreuze, enseignant et spécialiste du format tout sonore chez Radio France Internationale, décrypte cette évolution de l’audio.

Quelle est votre définition du podcast ?

Simon Decreuze : Un support d’expression sonore, personnel et très incarné. La révolution du podcast n’est pas dans la forme, mais dans la manière de prendre la parole : parler à la première personne avec une ligne éditoriale forte, un ton tranché, le tout avec un rendu sonore minimaliste. J’aime comparer le podcast à l’arrivée des blogs. C’est le même profil d’individus : des professionnels ou non qui profitent du support pour partager leur domaine de compétence. L’engouement est similaire.

Est-ce LA tendance de l’année ?

Oui ! Mais nous en sommes au tout début. Ceux qui écoutent les podcasts n’entretiennent pas un rapport intime avec la radio. Au fur et à mesure, ils vont devenir plus exigeants. Comme sur YouTube : au départ les émissions étaient bricolées dans les chambres, maintenant les Youtubeurs écrivent leurs scénarios, proposent des effets spéciaux. Le podcast va évoluer dans sa forme et dans sa technicité.

Est-ce que le podcast pourrait faire de l’ombre à la radio ?

Oui, cela divise le gâteau. Avec le podcast, de nouveaux profils apparaissent. Leurs productions ont des succès d’écoute assez proche. Même si je n’ai pas encore vu de « podcasteur » qui concurrence France culture ou France Inter. La frontière reste mince. Pour le moment, les podcasts ne sont pas très élaborés mais viennent combler un besoin éditorial.

Pourquoi les marques testent-elles ce format ?

Les annonceurs se demandent comment fidéliser leurs audiences du mieux possible. Des enquêtes récentes dévoilent que le support TV, historiquement le plus cher et le plus impactant, ne touche plus aussi bien les gens. Du coup, ils font une concession et réalisent un spot TV en moins pour tenter un très beau podcast. Est-ce qu’il vaut mieux fidéliser 4 000 personnes avec un podcast plutôt que toucher superficiellement 100 000 personnes avec un spot TV ? La question se pose. Il y a une envie croissante des marques d’aller vers l’audio.

Quels sont ses avantages par rapport à d’autres formats éditoriaux ?

Le grand atout du podcast est d’installer un rapport intime avec l’auditeur, une relation de personne à personne via l’expression du « je ». Cela est rendu possible grâce au développement de casques de qualité, à un réseau 4G efficace, et à l’essor de la mobilité et du smartphone. Le podcast est un support qui répond parfaitement à l’évolution de la société, de ses usages. En s’adressant à quelqu’un isolé de l’extérieur, dans sa bulle, une vraie connivence s’installe. C’est un critère central pour une marque : créer des émotions, des moments plus forts et plus intenses.

Le podcast ce n’est pas que de l’audio…

Exactement, on oublie souvent qu’un podcast c’est 50% de web ! Autour du podcast, un univers graphique doit être pensé : un mini site, une narration en ligne, une présence sur les réseaux sociaux. Tout cela participe à la réussite d’un podcast. Pour cela, il faut de bons graphistes pour imaginer un design épuré, mais aussi de bons journalistes pour définir une stratégie narrative, et enfin des community manager pour le promouvoir en ligne, trouver un visuel accrocheur. Le podcast, c’est la rencontre de l’univers de la narration sonore et de la narration web.

A-t-il modifié notre consommation de contenus ?

Le podcast n’a rien modifié, c’est la société qui est entrée en phase avec le support. Il y a un phénomène de décélération. Après 10 ans de réseaux sociaux, il y a une envie croissante de décrocher de l’écran. En écoutant un podcast, on se déconnecte et si on le télécharge on peut même oublier la connexion internet. C’est un moment hors réseau. Un moment pour soi. Le podcast est aussi un moyen de s’élever, d’apprendre. Il fonctionne d’ailleurs très bien auprès des trentenaires CSP+.

Un bon podcast, ça dure combien de temps ?

Moins de 30 minutes. Le podcast doit pouvoir se consommer dans les transports. My Little Paris propose des formats de 4 minutes qui sont très efficaces. Mais cela reste une question de ton avant tout.

Quels sont vos conseils pour se lancer ?

D’abord, il faut y aller ! Imaginez une soirée sans ambiance et une soirée avec ambiance. Vous allez là où il y a une bonne énergie, c’est le cas du podcast ! Ensuite, il faut prendre le temps de répondre à cette question : quelle est l’histoire sonore qui peut être bénéfique à mes clients ? L’enjeu est compliqué au départ. Une fois y avoir répondu, le plus dur est fait. Il faut ensuite tisser une relation frontale pour que l’empathie s’installe. Pour cela, je recommande de faire confiance à la jeunesse. Cette énergie réside dans une forme d’insouciance. Enfin, il ne faut jamais sous-estimer l’environnement web et la ligne éditoriale !