Comment expliquer la frilosité apparente des marques à utiliser le Earned Media dans leur stratégie de communication ?
Daniel Bô : Rappelons d’abord que le Earned Media désigne les contenus produits par le public sur les marques, qui sont relayés via les médias sociaux, les blogs et les commentaires. Les marques sont nombreuses à utiliser ce mode de communication en créant des espaces de commentaires, en développant des boîtes à idées, en stimulant les UGC (User Generated Content)* via des appels à contribution. Je ne pense pas que les entreprises soient frileuses mais plutôt que ce sujet manque de visibilité.
Les marques devraient davantage miser sur le Earned Media ?
L'impact d'un Earned Media de bonne qualité est évident. Les marques ont intérêt à sortir de leurs tours d’ivoire et à se confronter au public.
D’abord, pour favoriser la proximité avec leurs consommateurs, pour qu’ils se sentent écoutés, pris en compte, reconnus. Dans la jungle du web, cela permet aux marques de se frayer un passage et d’émerger.
Ensuite, et surtout, dans une démarche de reconnaissance du potentiel de l’intelligence collective. Sans être forcément cynique, une marque peut profiter des apports désintéressés d’un consommateur devenu une sorte d’employé bénévole qui la connaît mieux que personne.
Quels sont les avantages des contenus publiés directement par les internautes ?
La production et/ou la sélection des contenus directement par le public présente plusieurs avantages : une parole plus vivante et plus authentique, plus attachante et crédible ; des contenus qui collent plus finement aux préoccupations des publics sollicités ; l’amplification des contenus au moment de leur diffusion, grâce au relais direct des participants ; ainsi que l’image d’une marque ouverte, capable de se remettre en question.
Comment favoriser la production de contenus par son audience ?
L’appel à contribution du public nécessite un management particulier. En effet, ce type de contenu est difficile à faire naître : c’est tout un art de savoir créer du lien et générer des réactions. Il est aussi délicat à maîtriser. Bien qu’orchestré par la marque, il peut donner lieu à des critiques et des débordements difficiles à endiguer. De plus, les marques n’en sont pas directement propriétaires sur le plan juridique, ce qui limite les usages.
Alors comment optimiser cette production de contenus ?
Premièrement, par une gestion des avis clients. Si le bouche à oreille traditionnel reste plébiscité, les avis online sont une source d’information clé. Les clients ont des usages bien ancrés en matière de consultation des avis : consulter suffisamment d’avis, confronter les sources, trier, éliminer, relativiser, examiner le profil utilisateur, jauger la réponse du marchand. Bien utilisés, les avis peuvent être pour une entreprise un outil essentiel pour augmenter son chiffre d’affaires, communiquer avec ses clients et affiner son offre. Dans le guide réalisé en 2016 par QualiQuanti pour SoLocal, le sujet des avis clients a été analysé en profondeur.
Deuxièmement, par des appels à contribution. Le consommateur participe aux contenus selon différentes modalités : boîte à idées, contenu généré par les utilisateurs, castings, témoignages, intelligence collective, créations d’œuvres originales, etc. Cette participation génère des résultats riches en contenus et en création de liens. Dans « Le travail du consommateur – De McDo à E-bay, comment nous coproduisons ce que nous achetons » (Éditions La Découverte), la sociologue Marie-Anne Dujarier part de ce constat : dans les services, le marketing, aidé par la technologie, invite à mettre les consommateurs au travail pour trouver une main-d’œuvre abondante, motivée et gratuite pour émettre un billet de train, fournir des photos d’actualité, concevoir une publicité ou dépanner une installation Internet.
Troisièmement, par un recours aux influenceurs. Ces derniers occupent une position intermédiaire entre consommateur, amateur, expert et journaliste. Avec les influenceurs, les contributions sont devenues plus subjectives, pratiques et libres. Les Youtubeurs ont inventé un langage propre, souvent prosaïque, qu’ils nomment Draw my life, OOTD, Pranks, Let’s play, 1st impressions, Co-Vid, Toy Hunt,…
Dernièrement, par la création de communautés riches en interactions. Les communautés existent depuis la nuit des temps – famille, clan, paroisse, associations de solidarité ou de charité, clubs d’amateurs − et peuvent constituer de véritables leviers d’influence pour les marques.
*UGC (User Generated Content) : contenu créé par les utilisateurs (avis, commentaires...)
L'exemple d'Airbnb